Promotion de la santé des personnes âgées

«E Guete z’Basel» (Bon app à Bâle) – un projet participatif au potentiel d’apprentissage diversifié

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Il existe déjà de nombreux groupes de cuisine et tablées de midi pour les personnes âgées. Alors qu’est-ce qu’une offre développée et mise en œuvre en collaboration avec les représentant-e-s du groupe cible présente de différent? L’équipe de projet, composée de chercheuses de la Haute école spécialisée bernoise et de professionnel-le-s du Département de la santé du canton de Bâle-Ville, partage ses expériences dans une interview.
18.08.2023, 07:57

À quoi ressemble une offre de promotion de l’alimentation équilibrée pour les personnes âgées lorsqu’elle est développée dans le cadre d’un processus participatif incluant des expert-e-s du domaine scientifique, des spécialistes de la pratique et des personnes âgées? Quelle est la valeur ajoutée de ce processus exigeant?

Ce sont les questions auxquelles tente de répondre ce rapport sur le projet «E Guete z’Basel» (traduit en français: «Bon app à Bâle», un projet de promotion de l’alimentation équilibrée chez les personnes âgées). L’équipe de projet est composée de Karin Haas et de Franziska Scheidegger, chercheuses à la Haute école spécialisée bernoise (BFH), et de Jacqueline Fürer-Kugel et de Marco Oesterlin, collaboratrice-teur-s du Département de la santé du canton de Bâle-Ville (GD BS) et représentant-e-s de la pratique. C’est Claudia Kessler des Public Health Services (PHS) qui mène l’entretien. Sur mandat de Promotion Santé Suisse, elle a participé à l’une des rencontres «E guete z’Basel» au Centre de rencontre CURA du Claraspital de Bâle. Par ce lundi du mois de juin, Claudia Kessler a fait la connaissance d’un groupe modeste mais hautement motivé et impliqué: 2 hommes et 4 femmes âgées de 65 à environ 80 ans, accompagné-e-s par un cuisinier chef et une spécialiste de la promotion de la santé des personnes âgées. Le groupe multiculturel a élaboré un repas 3 plats équilibré, de saison et, surtout, délicieux.

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Photo: C. Kessler, juin 2023

    
Le projet en bref

Le projet a été lancé en 2019 avec l’objectif d’éveiller l’intérêt des personne âgées, considérées jusqu’alors comme «difficiles à atteindre», pour l’alimentation équilibrée et de renforcer leur autonomie. Une attention particulière a été portée à l’inclusion des personnes socialement isolées et des hommes, au travers d’un processus participatif. Il s’agissait de développer une offre à bas seuil dont le but était de permettre au groupe cible d’adopter une alimentation équilibrée de façon autonome et plaisante et de réduire le risque de malnutrition. Ce projet innovatif d’une durée de trois ans a été élaboré par le Département de recherche pour l’alimentation et la diététique de la BFH, en collaboration avec le GD BS pour la partie de mise en œuvre. Il est financé dans le cadre du soutien de projets de Promotion Santé Suisse (priorité thématique Alimentation/module B). À cause du retard engendré par la pandémie, le projet a été prolongé jusqu’à fin 2023. Les efforts se concentrent aujourd’hui sur l’ancrage à long terme du projet dans le programme d’action cantonal et les activités du département de la santé, dès 2025.
    
    

Claudia Kessler (CK): J’aimeras tout d’abord m’intéresser à votre processus participatif. Quelles ont été les étapes principales et quelle expérience en avez-vous faite?

Équipe de projet (Karin Haas, Franziska Scheidegger, Jacqueline Fürer-Kugel, Marco Oesterlin):

1ère année de projet: créer un climat de confiance – planifier pour et avec le groupe cible:

  • Durant la première année, nous avons élaboré une offre d’alimentation équilibrée à bas seuil en collaboration avec des représentant-e-s du groupe cible, dans le cadre d’un processus basé sur la confiance. Nous y avons également intégré les feedbacks de parties prenantes issues du domaine social et de la santé. Pour y parvenir, huit workshops ont été nécessaires au total (nous n’en avions planifié que trois au départ).
  • Le groupe cible a été divisé par genre pour les premiers workshops, afin de s’assurer que le point de vue tant des femmes que des hommes soit pris en compte dans l’élaboration de l’offre.   
  • Les contenus des workshops étaient les suivants:
       
    • Au début du projet, la stratégie d’atteinte du groupe cible a été définie en commun avec les représentant-e-s du groupe cible et les parties prenantes.
    • Ce sont les représentant-e-s du groupe cible elles/eux-mêmes qui ont créé l’offre – les rencontres pour cuisiner et manger ensemble «E Guete z’Basel» – lors de workshops de travail intensif animés par l’équipe de projet.
    • L’équipe de projet et les représentant-e-s du groupe cible ont travaillé en commun sur l’élaboration détaillée du concept des rencontres. En plus de l’activité de cuisiner ensemble et de partager un repas, la transmission de compétences dans le domaine de l’alimentation équilibrée des personnes âgées tenait un rôle central. Pour identifier les forces et faiblesses ou dysfonctionnements durant cette phase, les workshops étaient évalués et adaptés en fonction.

2ème et 3ème année de projet – Implémentation et exécution des rencontres «E Guete z’Basel»:

  • Une partie des personnes âgées ayant co-créé l’offre a également participé aux rencontres. Certaines d’entre-elles ont quitté le groupe en cours de route et d’autres ont pris leur place. L’offre a été organisée et exécutée avec le soutien précieux du GD BS. Afin de vérifier l’adéquation de l’offre aux besoins du groupe cible, une possibilité de donner du feedback à bas seuil a été développée.
  • Une leçon importante tirée du recrutement du groupe cible: les personnes issues d’organisations (médecin traitant-e, soins à domicile, responsables de maisons de quartier, physiothérapeutes, associations) ont joué un rôle clé dans le recrutement. Ces personnes ont un lien privilégié et de confiance avec le groupe cible.

     
CK: Vous avez certainement vécu de nombreux points forts. Qu’est-ce qui a particulièrement bien fonctionné et même dépassé vos attentes?

Équipe de projet:

  • L’ambiance agréable qui régnait pendant la préparation et le partage du repas nous a régulièrement positivement surpris-e-s.
  • Chacune et chacun a assumé les tâches qu’elle ou il savait bien faire, telles qu’éplucher les légumes, mettre la table, veiller à ce que la cuisine reste propre ou simplement s’entretenir avec les autres.
  • Nous avons réussi à atteindre, entre autres, les personnes que nous ciblions: les personnes vivant seules, les personnes âgées de ≥80 ans, les hommes, les personnes à mobilité réduite.
  • Durant les rencontres, nous avons partagé des connaissances et des astuces autour de l’alimentation et de la préparation de repas, accompagnées de brefs résumés écrits. Ces interventions étaient endossées par l’équipe de projet, accompagnée d’étudiant-e-s en master en alimentation et diététique de la BFH. Markus Biedermann a également activement contribué à leur réussite. En tant que cuisinier expérimenté et gérontologue diplômé, il a su motiver les participant-e-s et améliorer leurs compétences culinaires et alimentaires grâce à ses compétences, sa personnalité sympathique et son charisme.
  • Premiers résultats clés:
      
    • Les participant-e-s ont été sensibilisé-e-s à l’importance des protéines à l’âge avancé.
    • Presque toutes les personnes ont indiqué que leur participation a influencé positivement leur qualité de vie grâce aux contacts sociaux et au sentiment d’appartenance générés.
  • Nous avions beaucoup de chance avec le lieu (Cura). Trouver le lieu adéquat dans un autre quartier de Bâle a représenté un défi conséquent. Il existe peu de lieux adéquats avec une grande cuisine en dehors des maisons de quartier et des résidences pour personnes âgées.
  • Il n’y avait pas de tablée de midi les lundis. Les rencontres «E Guete z’Basel» ont ainsi pu combler une lacune.

  
CK: Avez-vous rencontré des difficultés inattendues lors du projet?

Équipe de projet:

  • Le plus grand défi inattendu a été la pandémie de coronavirus, qui a retardé le projet pour des raisons de sécurité du groupe cible.
  • Le nombre de workshops nécessaires avec le groupe cible s’est avéré beaucoup plus élevé que ce qui avait été planifié au début du projet. Cet investissement en temps et en ressources humaines était cependant nécessaire et précieux, car il a contribué à créer le lien avec le groupe cible.
  • L’exécution des rencontres a également sollicité plus de ressources qu’initialement prévu:
       
    • Le niveau le plus élevé de participation (autogestion) visé n’a pas été apprécié du groupe cible, qui a demandé explicitement à être accompagné par l’équipe de projet.
    • Un membre de l’équipe de projet était présent à chaque rencontre.
    • La délégation de la responsabilité et l’autogestion par les participant-e-s n’ont que partiellement fonctionné. L’exécution des rencontres nécessite toujours des ressources humaines conséquentes de la part de l’équipe de projet. C’est la raison pour laquelle nous réfléchissons actuellement à un moyen de rendre les rencontres plus efficientes.
  • La phase d’exécution a démarré avec deux groupes, qui s’alternaient toutes les deux semaines. L’un des deux groupes a cependant mis fin à sa participation après la première exécution. Les raisons de ce retrait n’ont pu être que partiellement récoltées, car le groupe n’était plus disponible pour une discussion commune.
  • En résumé, un processus participatif sollicite énormément de ressources temporelles et humaines dès le départ. Les difficultés inattendues représentent cependant des opportunités d’apprentissage nécessaires à une réelle participation.

    
CK: Quels apprentissages supplémentaires pouvez-vous transmettre aux autres PAC?

Équipe de projet:

  • Grâce à l’approche participative, une offre alignée aux besoins et dont le groupe cible aime faire usage a pu être créée. Malgré le coût élevé en ressources humaines et temporelles les efforts supplémentaires ont été largement récompensés pour l’ensemble des participant-e-s.
  • Le concept de rencontres pour cuisiner et manger ensemble, accompagnées d’une transmission de savoirs et de compétences pratiques ciblées pour adopter une alimentation équilibrée et savoureuse est multipliable. Des espaces adaptés et disponibles sont cependant nécessaires. Le concept doit par ailleurs être adapté aux éventuels nouveaux lieux, indépendamment des conditions cadres. C’est actuellement ce qui se fait à la maison de quartier LoLa avec les responsables sur place et les représentant-e-s du groupe cible local, afin de respecter l’approche participative et de garantir la mise en œuvre.
  • En plus des espaces, la participation de deux à trois personnes âgées pouvant et voulant prendre le lead et disposant d’un minimum d’expérience en cuisine est nécessaire pour garantir une implémentation efficace et efficiente des rencontres. Pour atteindre le groupe cible, un bon réseau de multiplicatrice-teur-s (médecins traitant-e-s, collaboratrice-teur-s des sons à domicile et des maisons de quartier, etc.) et la patience sont des facteurs de succès clés. Il est également important de vérifier et de solliciter régulièrement les ressentis et les besoins des participant-e-s.
  • Davantage de résultats clés seront communiqués dans le rapport d’évaluation qui sera disponible en 2024.

    
CK: Je vous remercie chaleureusement pour ce riche échange. Laissons maintenant la parole aux participantes et aux participants.

Témoignages de participant-e-s:

  • C’est quand même beau, tu sais, d’être dans le groupe.
  • Comme déjà dit, ma plus grande motivation était le partage.
  • … je souhaiterais un concept et un certain accompagnement. Au moins au début, jusqu’à ce qu’un premier groupe soit rôdé.
  • Se rencontrer chaque semaine, ça met du baume au cœur.

 

Coordonnées de contact de l’équipe de projet

Haute école spécialisée bernoise, section Santé, Ra&D Alimentation & Diététique

Dr. Karin Haas, co-directrice de l’institut Alter (031 848 35 53)
Franziska Scheidegger-Balmer, collaboratrice scientifique, BSc Alimentation & Diététique (031 848 35 88)

Département de la santé du canton de Bâle-Ville

Marco Oesterlin, responsable du programme Âge avancé et santé (061 267 46 08)
Jacqueline Fürer-Kugel, collaboratrice de projet pour le programme Âge avancé et santé (061 267 45 40)